Plusieurs enquêtes récentes font état d’une montée des préoccupations face au risque de conflit mondial. Les principales sources d’inquiétude identifiées sont les tensions avec Moscou, la propagation de fausses informations et les bouleversements économiques.
On croyait la crainte de la ‘fin du monde’ disparue avec la Guerre froide, mais elle demeure vive aujourd’hui. C’est du moins ce que révèle une enquête YouGov menée en avril dernier dans six pays et citée par le magazine Le Grand Continent.
Près de la moitié des Européens sondés (France, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Allemagne) estiment en effet ‘probable’ qu’une nouvelle guerre mondiale éclate dans les cinq à dix prochaines années. Cette proportion atteint même 55% en France.
Au cœur de ces craintes figure la menace nucléaire. Entre 68% et 76% des personnes interrogées estiment ainsi que l’arme atomique pourrait être utilisée dans ce potentiel conflit. Cette proportion vertigineuse contraste avec les 17% d’Américains qui, en 2020 encore, considéraient qu’une guerre nucléaire pourrait provoquer l’apocalypse.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 a brutalement rappelé que la dissuasion nucléaire n’était pas qu’un concept théorique. Cette réalité s’illustre aussi par les tensions autour de la prolifération, comme en témoigne la récente offensive américano-israélienne contre les sites iraniens d’enrichissement de l’uranium.
La nucléarisation des esprits
Cette résurgence de l’angoisse atomique trouve une illustration concrète dans le test, en novembre dernier, du missile Oreshnik par Vladimir Poutine. Capable de transporter une ogive nucléaire, ce missile a fait l’objet d’une véritable mise en scène médiatique, avec un compte à rebours diffusé en boucle par les télévisions russes.
Le président russe, coutumier des démonstrations de force, a également élargi les conditions d’utilisation de l’arme nucléaire en révisant sa doctrine nucléaire en novembre 2024.
Cette escalade a poussé Emmanuel Macron à déclarer, lors d’un discours télévisé en mars dernier, que « la Russie est devenue une menace pour la France et pour l’Europe ». Cette rhétorique belliciste trouve un écho direct dans l’opinion publique.
Le Bulletin of the Atomic Scientists, qui évalue depuis 1947 les menaces pesant sur l’humanité, a ainsi avancé en janvier les aiguilles de son « horloge de la fin du monde » à 89 secondes de minuit, une proximité inédite dans l’histoire.
Un archipel de peurs interconnectées
D’autres menaces occupent cependant l’esprit d’après l’enquête du Pew Research Center, menée dans 25 pays. La désinformation en ligne arrive en tête des préoccupations mondiales (72% des sondés), devançant même l’économie mondiale (70%) et le terrorisme (69%).
Paradoxalement, le changement climatique, longtemps présenté comme la menace existentielle par excellence, recule dans les préoccupations des pays développés, même si l’inquiétude progresse significativement dans les pays du Sud, avec +17 points en Turquie, +13 au Nigeria.
Cette géographie inégale de l’angoisse révèle aussi les spécificités nationales. Quand l’immigration domine les préoccupations allemandes, les « bouleversements économiques mondiaux » obsèdent un tiers des Italiens et des Portugais.
La guerre en Ukraine occupe le premier rang des inquiétudes en Estonie, Pologne et Danemark, tandis qu’elle passe au second plan en France, Espagne et Grande-Bretagne.