Cash Investigation dans le viseur de Pékin

Le célèbre magazine d’investigation de France 2 fait l’objet d’une intense campagne de dénigrement en provenance de Chine depuis la diffusion en février d’un reportage révélant le travail d’enfants et l’utilisation de coton du Xinjiang, région connue pour le travail forcé des Ouïghours, par un sous-traitant chinois de Decathlon.

Justine et Marine désormais persona non grata en Chine ? Si les autorités chinoises n’ont jamais adressé à ces deux journalistes – officiellement du moins – la demande de quitter le pays, elles s’y trouvent désormais à l’étroit. À tel point que l’une d’elles a d’ores et déjà quitté les lieux sur insistance de la France, d’après les informations du journal Le Monde.

À l’origine de cette situation concernant ces journalistes installées dans l’Empire du Milieu depuis de nombreuses années, figure une séquence du reportage de « Cash Investigation », le magazine de France 2.

Diffusée le 6 février 2025 sur la chaîne de télévision française dans le cadre d’une enquête sur les « secrets » de la famille Mulliez, propriétaire de Decathlon, elle dévoile le travail d’une fillette de 12 ans dans une usine et l’utilisation de coton provenant du Xinjiang – région où la Chine est accusée de persécutions – par le sous-traitant chinois Qingdao Jifa.

De graves accusations

Munies d’une caméra cachée, les journalistes ont réussi à s’introduire dans deux usines de Qingdao Jifa. Dans l’une d’elles, une responsable a confirmé que « plus de 90% du coton chinois provient du Xinjiang ».

L’enquête révèle également que Qingdao Jifa, inscrite sur la liste noire du Congrès américain, participe activement aux programmes gouvernementaux chinois de déplacement de travailleurs ouïghours. Alors que Decathlon affirme ne pas être au courant d’une telle situation, les deux journalistes ainsi que l’émission font l’objet d’une véritable offensive numérique.

Insultes, menaces de mort et de viol, diffusion d’infos personnelles, tout y passe ces dernières semaines, selon une enquête réalisée par Le Monde sur le sujet. Même Élise Lucet, la présentatrice de Cash Investigation a reçu un SMS particulièrement violent le 16 mars, la poussant à porter plainte.

Une stratégie en trois temps

Selon Reporters sans frontières (RSF), qui a dénoncé ces attaques le 19 mars, cette campagne s’est déployée comme « une fusée à trois étages ». Le premier niveau comprend des messages d’insultes et de menaces directement adressés aux journalistes sur les réseaux sociaux occidentaux.

Le deuxième niveau d’attaque apparaît vers le 9 mars avec l’intervention d’influenceurs plus établis sur les plateformes occidentales. Enfin, le 16 mars, la troisième vague se matérialise avec la publication d’une dépêche par l’agence officielle Xinhua, reprenant tous les arguments précédemment diffusés.

« Le schéma et les méthodes de dénigrement sont assez classiques. Elles consistent à vider de toute substance la critique en décrédibilisant son auteur, en pratiquant également l’intimidation pour éviter que cette critique ne se répète », indique Paul Charon, directeur du domaine Influence et renseignement de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire, dans les colonnes du Monde.

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