Les services secrets russes recrutent de jeunes Ukrainiens mineurs pour espionner et commettre des attentats contre leur propre pays. Un nouveau front dans la guerre qui oppose les deux nations.
S’il existe quelque chose de plus pernicieux qu’un ennemi en temps de guerre, c’est bien un ennemi de l’intérieur. Difficile à identifier, il représente l’un des défis majeurs auxquels l’Ukraine fait désormais face dans son conflit contre la Russie.
Moscou a en effet trouvé le moyen de recruter des citoyens ukrainiens contre leur propre pays, comme l’illustre l’arrestation récente d’un jeune homme par le service de sécurité ukrainien (SBU) dans les rues de Dnipro, ville située à 391 km au sud-est de Kiev.
Appréhendé près d’un site militaire avec des coordonnées GPS et des photographies d’installations sensibles, il avait pour mission, selon le récit du SBU rapporté par le Financial Times (FT), de photographier les positions ukrainiennes et de transmettre ces données au FSB, les services secrets russes, par canaux cryptés.
C’est dire tout le cynisme de Moscou dans cette guerre contre son voisin ukrainien qui s’éternise. Car le jeune homme espion n’a que 16 ans.
L’innocence transformée en arme de guerre
Hélas, cette arrestation n’est que la partie émergée d’un iceberg pour le moins terrifiant. Selon Artem Dekhtiarenko, porte-parole du SBU, plus de 700 personnes ont été arrêtées depuis le printemps dernier pour espionnage, incendies criminels et complots à la bombe orchestrés à distance par les services secrets russes. Parmi elles, environ 175 – soit 25% – étaient mineures.
« Les mineurs ne peuvent pas prévoir les conséquences de leurs actes, ce qui les rend particulièrement vulnérables au recrutement russe« , explique Dekhtiarenko au FT. Cette vulnérabilité est amplifiée par le contexte de guerre, qui crée orphelins, déplacés, jeunes en détresse financière…
Le processus est toujours le même : des inconnus contactent ces adolescents via Telegram, Discord, WhatsApp ou Viber, leur promettant entre 100 et 1000 dollars en échange de missions allant de la photographie d’objets militaires ou de systèmes de défense antiaérienne, à la pose d’explosifs ou aux attaques incendiaires contre les infrastructures énergétiques.
« Ne brûlez pas les vôtres ! Brûlez l’ennemi ! »
Cette instrumentalisation de l’innocence et de la naïveté adolescente pose des questions juridiques et éthiques complexes. Car beaucoup de ces mineurs accusés de crimes sont jugés comme des adultes, soulevant l’inquiétude des défenseurs des droits humains.
Face à cette menace grandissante, les autorités ukrainiennes ont lancé une campagne de sensibilisation nationale impliquant SMS d’alerte, panneaux publicitaires le long des routes, messages diffusés dans les trains pour dénoncer la stratégie russe.
Une vidéo disponible sur internet et destinée aux adolescents leur enseigne « comment ne pas tomber dans un piège et garder une longueur d’avance » sur le FSB. Des agents du SBU visitent également les écoles pour apprendre aux enfants à identifier les tentatives de manipulation russes.
Le slogan de cette campagne résonne comme une riposte : « Ne brûlez pas les vôtres ! Brûlez l’ennemi ! »