Le secteur des spiritueux traverse une période difficile, frappé par la désaffection des consommateurs français et l’effondrement des exportations. Les tensions commerciales internationales aggravent encore cette situation préoccupante pour l’ensemble de la filière.
Pour la quatrième année consécutive, les ventes d’alcools forts continuent de chuter dans l’Hexagone, s’établissant à -2,6% en volume selon les chiffres révélés jeudi 14 juin par la Fédération française des spiritueux (FFS) en provenance des Douanes.
La situation n’épargne aucun circuit de distribution. Dans les grandes et moyennes surfaces, 247 millions de litres d’alcools distillés ont ainsi été écoulés sur la période, soit une baisse de 3,8% par rapport à 2023, d’après la plateforme américaine spécialisée en marketing Nielsen IQ.
C’est d’autant plus critique qu’il s’agit de la première diminution en valeur depuis 2018, avec un recul de 3,6% représentant 4,9 milliards d’euros, comme le relève BFMTV.
La situation n’est guère meilleure dans les cafés et restaurants. Malgré l’espoir généré après la crise de la Covid par la reprise des ventes, celles-ci stagnent désormais à 20,8 millions de litres, en baisse de 2%.
Aucun type d’alcool n’échappe par ailleurs à cette désaffection. Les whiskys et pastis, longtemps moteurs de croissance dans les supermarchés – avec plus de la moitié des ventes – voient également leurs parts de marché s’effriter.
Une mutation sociétale ?
Seuls les spiritueux transparents (vodka, gin…) appréciés pour les cocktails résistent encore sur le marché, selon la FFS. Cette tendance reflète l’évolution des habitudes de consommation désormais marquée par une approche plus sélective et festive de l’alcool.
Thomas Gauthier, directeur général de la Fédération française des spiritueux, n’hésite pas à parler de « retournement de tendance » et de « mutation de la consommation ».
Une transformation qui s’accélère année après année et touche aussi bien les hommes, que les femmes, les jeunes, les moins jeunes, les consommateurs modérés comme excessifs.
Le phénomène le plus marquant reste l’émergence des « non-consommateurs absolus ». Ces Français qui ne boivent « pas une goutte, ni chez eux, ni dans un cadre de convivialité » représentent désormais 15% de la population, selon Thomas Gauthier, cité par BFMTV.
Pas de débouchés à l’extérieur
Cette évolution va dans le sens des recommandations des professionnels de santé, dont les efforts pour promouvoir une consommation plus responsable, notamment à travers les campagnes de prévention, se sont longtemps heurtés à la résistance du lobby alcoolier.
Et pourtant, l’alcool reste à l’origine de 15 000 décès par cancer (bouche, pharynx, larynx, œsophage, côlon-rectum, sein et foie) chaque année selon Le Monde. Sa consommation a provoqué 49 000 décès en 2023, d’après le ministère de la Santé.
Mais la chute du marché extérieur accroît l’inquiétude des acteurs du secteur. Les exportations, qui représentent la moitié de la valeur de la filière, s’effondrent : -12% en 2023, -6,5% en 2024, et déjà -7,5% sur les quatre premiers mois de 2025.
Les tensions commerciales avec la Chine et les États-Unis aggravent encore la situation. D’où l’appel à la « stabilité fiscale » lancé par la FFS à l’État, alors que celui-ci prépare un budget particulièrement scruté.