La Russie et l’Occident ont échangé jeudi 26 prisonniers à l’aéroport d’Ankara, en Turquie. C’est le plus vaste échange de ressortissants entre les deux camps depuis la fin de la guerre froide. Mais cette opération suscite de sévères critiques, en particulier en Allemagne, où l’on pense qu’elle encouragera Vladimir Poutine à faire davantage de prisonniers politiques.
La Russie, la Biélorussie et cinq pays occidentaux, dont les États-Unis et l’Allemagne, ont procédé jeudi à l’échange de 26 prisonniers à l’aéroport d’Ankara, en Turquie. Arrivés à bord de sept avions différents, ces ex détenus ont ensuite pris différentes directions. Dix se sont envolés vers la Russie, treize vers l’Allemagne et trois autres vers les États-Unis. Il y avait également des ressortissants polonais, slovène et norvégien.
Evan Gershkovich enfin libre
Parmi les Occidentaux libérés par Moscou figurent le journaliste américain Evan Gershkovich et l’ancien Marine Paul Whelan, tous deux emprisonnés en Russie pour espionnage. Il y a aussi Rico Krieger, un Allemand condamné en Biélorussie pour terrorisme et mercenariat. On trouve en outre plusieurs dissidents russes, dont Vladimir Kara-Murza et Ilia Iachine, condamnés à huit ans et demi de prison pour avoir accusé le pouvoir russe de crimes en Ukraine.
Vadim Krassikov parmi les prisonniers russes libérés
Côté russe, ont été libérés le pirate informatique Alexander Vinnik et le couple d’espions Artem Viktorovich Doultsev et Anna Valerevna Doultseva, qui purgeaient une peine de prison en Slovénie depuis 2017. Ils étaient accompagnés de leurs deux enfants nés sur place. On note aussi la libération de Vadim Krassikov, condamné à la réclusion à perpétuité pour le meurtre d’un ex-commandant séparatiste tchétchène à Berlin, sous les ordres du FSB selon la justice allemande.
Une opération menée par les services secrets turcs
C’est le plus vaste échange de prisonniers entre la Russie et l’Occident depuis la fin de la guerre froide. Les précédents échanges remontent à 2022 et 2010. La nouvelle opération a été rendue possible grâce à l’entregent des services secrets turcs, qui ont servi de médiateurs dans cette affaire. Le chancelier Olaf Scholz a également œuvré à la libération des prisonniers occidentaux. Commentant cet échange, il a déclaré que ce fut une « décision difficile », qui n’a « pas été prise à la légère », mais qui est « juste ». Il dit avoir choisi « la liberté des personnes innocentes détenues en Russie et de celles injustement emprisonnées pour des raisons politiques ».
Joe Biden reconnait un choix cornélien
Les Etats Unis ont pris soin de remercier leurs partenaires, notamment l’Allemagne, « qui a joué un rôle clé dans l’échange ». Joe Biden a reconnu un choix cornélien pour le chancelier Olaf Scholz. Ce dernier aurait « initialement » rejeté la remise en liberté de l’agent présumé russe Vadim Krassikov, avant de donner finalement son feu vert. D’après le New York Times, le président américain a verrouillé les derniers détails de cet échange le 21 juillet, peu avant d’annoncer son retrait de la course à la présidentielle.
Un pas vers l’extension de l’impunité pour Amnesty Allemagne
En Allemagne, cette vague de libération passe mal. On ne comprend pas pourquoi le gouvernement remet en liberté des criminels comme Vadim Krassikov. Dans un communiqué publié vendredi, la branche allemande d’Amnesty a dénoncé « un pas vers l’extension de l’impunité » judiciaire, même si elle se dit soulagée de la libération des citoyens européens et américains. Selon elle, cet accord pourrait encourager l’Etat russe à « de nouvelles arrestations politiques et violations des droits de l’homme, sans peur des conséquences ».