Le royaume scandinave envisage de transférer une partie de ses prisonniers en Estonie dans le cadre d’une sous-traitance destinée à pallier la surpopulation carcérale sur son territoire.
L’incarcération des prisonniers représente-t-elle un marché ? Un protocole d’accord récemment signé entre la Suède et l’Estonie tend à le confirmer. Le texte prévoit en effet le transfert de 400 à 600 détenus « masculins, majeurs et en bonne santé », vers la prison de Tartu pour y purger leurs peines.
À l’origine de cette externalisation pénitentiaire figure le besoin de désengorger les établissements de privation de liberté suédois. Le royaume nordique, longtemps vanté pour son modèle pénitentiaire progressiste axé sur la réinsertion, se trouve aujourd’hui confronté à une surpopulation carcérale sans précédent.
Les chiffres mentionnés par Le Monde évoquent 7 530 détenus pour seulement 5 022 places disponibles à travers 46 établissements pénitentiaires au total. Avec un taux d’occupation de 141%, certaines prisons étouffent, créant une situation potentiellement explosive.
Il s’agit d’après le quotidien français, d’une des conséquences du renforcement de l’arsenal judiciaire répressif du pays face à la hausse de la criminalité, notamment le trafic de drogue.
Une solution aussi audacieuse qu’économique
Parallèlement, l’Estonie fait face à une « sous-utilisation » de ses prisons, selon la ministre de la Justice et des Affaires numériques, Liisa-Ly Pakosta. Ces établissements, réputés pour leurs bonnes conditions de détention, voient leurs effectifs diminuer d’année en année et sont actuellement à moitié vides, d’après Le Monde.
Cette situation représente une opportunité économique pour le pays balte, qui avait déjà proposé ce type de sous-traitance au Royaume-Uni. Liisa-Ly Pakosta se montre enthousiaste concernant l’accord avec la Suède, y voyant une source d’emplois pour les populations locales.
À long terme, l’État estonien estime que la location de ses prisons à des pays étrangers pourrait lui générer jusqu’à 30 millions d’euros de revenus annuels.
Toutefois, cette initiative nécessitant l’approbation du Parlement suédois à la majorité des trois quarts, reste très controversée à Stockholm, en dépité des économies substantielles qu’elle devrait générer, selon le ministre de la Justice Gunnar Strömmer.
Entre pragmatisme et résistances
Celui-ci prévoit 3 000 euros mensuels de dépenses en moins par détenu, de quoi contribuer à l’investissement nécessaire pour les 18 000 places supplémentaires prévues d’ici 2033 dans les prisons.
Heike Erkers, présidente du syndicat SSR, dénonce selon Le Monde, les « risques importants pour la sécurité juridique, les possibilités de réinsertion et l’environnement de travail du personnel ».
Sur le champ politique, le Parti social-démocrate, qui détient 30% des sièges au Parlement se dit « fondamentalement sceptique quant à l’externalisation des emplois et à l’exercice de l’autorité en dehors de la Suède ».
« Il y a beaucoup de questions autour de la législation et d’appréhensions concernant cet arrangement », fait notamment savoir la responsable des questions de justice au sein du parti, Teresa Carvalho.