Cette semaine, la commission d’enquête parlementaire sur le narcotrafic en France a auditionné le procureur de la République de Marseille et deux magistrats de la Jirs. Ces interrogatoires visent à cerner la problématique de la corruption de basse intensité dans la police ou la justice.
La commission d’enquête parlementaire sur le narcotrafic en France a auditionné mardi à Paris la direction judiciaire de Marseille. Le procureur de la République de Marseille Nicolas Bessone, la procureure adjointe chargée du pôle criminalité organisée Isabelle Fort, le président du tribunal judiciaire Olivier Leurent et la juge d’instruction du pôle criminalité organisée de la Jirs (juridictions interrégionales spécialisées) ont été entendus.
Marseille, capitale du narcotrafic français
A cette occasion, la direction judiciaire a dressé un tableau bien sombre du narcotrafic dans la cité phocéenne. Elle a employé le terme de « narcoville » pour parler de Marseille. Tous les problèmes rencontrés dans la lutte contre les trafics de drogue ont été évoqués. Parmi lesquels la « corruption de basse intensité », qui concerne à la fois la PJ (Police judiciaire), les cabinets d’avocats et des juges.
« Chaque personne a son prix »
Cette corruption insidieuse conduit à l’annulation volontaire de nombreuses procédures. Et les gens prennent cela pour de l’incompétence. Ce qui n’est pas le cas. La direction judiciaire de Marseille a d’ailleurs confié qu’elle menait en ce moment deux enquêtes sur des fonctionnaires de greffe suspectés de renseigner des membres du crime organisé. Selon les magistrats, les narcotrafiquants savent que chaque personne a un prix. Donc ils mettent les moyens pour corrompre la justice et la police.
Les fuites à tous les niveaux
Souvent, la justice réussit à monter un dossier grâce à des fonctionnaires honnêtes. Mais elle fait malheureusement face à des fuites, via des taupes. Les magistrats marseillais notent également que les narcotrafiquants, même arrêtés, parviennent parfois à recouvrer leur liberté à cause du manque de moyen de la juridiction. En effet, si un juge d’instruction n’a pas pu convoquer une mise en examen du détenu dans les quatre mois, la défense a le droit de demander une remise en liberté.
Le narcotrafic s’opère depuis la prison
En outre, les juges relèvent que la prison n’est pas un obstacle au trafic de drogue. La marchandise et les téléphones portables continuent de circuler en nombre derrière les barreaux. A Marseille, épicentre du narcotrafic, les groupes de gangsters ont ainsi la capacité de « commercer » partout. Notamment les clans DZ Mafia et Yoda, qui enchaînent les assassinats et les meurtres au hasard. En 2023, ils ont fait au moins une cinquantaine de morts et plus de 120 blessés.
Des propositions pour combattre le narcotrafic
A l’issue des auditions de ce mardi, les magistrats marseillais ont fait quelques propositions pour réduire le narcotrafic et le crime organisé. Ils ont appelé à la création d’un régime pénitentiaire spécifique ferme pour séparer les mafieux du reste de la population carcérale. Ils ont aussi suggéré la constitution de cours d’assises spéciales, à l’image de celle sur le terrorisme de Paris. En outre, les juges demandent l’introduction d’un statut de repenti et la protection des informateurs.