Ce jeune Américain de 20 ans symbolise plus que quiconque la nouvelle diplomatie numérique, où les États courtisent les influenceurs dans une démarche aux contours éthiques flous.
« Il ne rate presque jamais les matchs de Cristiano Ronaldo, dont il est un fan inconditionnel ; Pogba et même le président de la FIFA Gianni Infantino sont tous déjà passés sur son plateau. Et désormais, c’est au tour des États, à travers leurs gouvernants, de le courtiser en espérant jouir de sa popularité sur le web.
IshowSpeed, de son vrai nom Darren Watkins Jr., fait des émules au-delà des 120 millions de fans qui le suivent sur les réseaux sociaux. En témoigne son voyage mi-juillet en Lituanie où Lucas Savocas, le ministre de l’Économie et de l’Innovation, l’attendait pour un accueil royal à l’aéroport.
Parallèlement, une foule de fans déchaînés s’était rassemblée, scandant le nom de leur idole avec une ferveur habituellement réservée aux stars du sport ou de la musique. Cette scène, diffusée en direct devant plus de 115 000 spectateurs simultanés, résume une des réalités de cette époque : la dimension planétaire de certains créateurs de contenus.
L’ascension d’un phénomène digital
Personne ne symbolise mieux cette époque qu’IshowSpeed. Né à Cincinnati, Watkins Jr. s’est imposé comme un phénomène global grâce à son énergie débridée, ses backflips spontanés et ses live streams sans filtre qui captivent des millions de spectateurs simultanément.
Sa personnalité volcanique et imprévisible a fait de lui l’une des figures les plus reconnaissables de la génération Z. Pendant la pandémie de Covid, alors que le monde entier était confiné, Speed a construit son empire numérique en diffusant ses réactions passionnées aux jeux vidéo et ses cascades spectaculaires autour de voitures de luxe.
Depuis, le phénomène fait massivement recette. L’initiative lituanienne puise son inspiration dans la visite virale qu’avait effectuée Speed en Chine quelques mois plus tôt.
Lors de ce voyage, le créateur de contenu avait vanté les mérites des voitures de luxe et des smartphones chinois devant ses millions d’abonnés, générant un buzz international considérable.
Le soft power à l’ère des réseaux sociaux
Selon le Washington Post, Povilas Kondratavicius, un Lituanien de 25 ans qui travaille dans l’industrie militaire, avait lui-même contacté l’agence nationale de développement touristique après avoir vu les vidéos chinoises de Speed.
« Nous sommes un très petit pays d’Europe de l’Est, nous avons immédiatement une mauvaise réputation. Et pour ma génération et la génération Alpha, c’est l’une des personnes les plus célèbres qui soit« , explique-t-il au Post, alors que plus de 30 000 euros ont été mobilisés par les autorités pour la circonstance.
Au-delà des questions culturelles, la visite a soulevé un débat plus fondamental sur l’utilisation des fonds publics. Certains y ont vu une dérive populiste, d’autres une adaptation nécessaire aux réalités contemporaines de la communication politique et touristique.